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Dernières nouvelles des accélérateurs : une excellente campagne 2024 du LHC se termine abruptement

Le LHC devait achever le 25 novembre une exploitation 2024 très réussie, mais, en raison d'une série de transitions résistives, il s'est arrêté deux jours plus tôt que prévu

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L'exploitation 2024 du LHC a été remarquable à tous égards, l'accélérateur atteignant une performance record à la fois lors de la campagne avec protons et lors de la campagne avec ions plomb.

Pendant la campagne avec protons, la disponibilité totale de la machine a été excellente, atteignant 72,1 % ; le temps utile de collisions a atteint la proportion record de 53,6 %. La luminosité intégrée pour la physique des protons durant la troisième période d’exploitation s’établit au niveau impressionnant de 196 fb⁻¹, surpassant les totaux combinés des première et deuxième périodes. Et ce n'est pas fini, puisque cette troisième période d'exploitation se poursuivra en 2025 et 2026.

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Luminosité intégrée pour les campagnes de physique avec protons. (Image: CERN)

La campagne avec ions plomb 2024 a été tout aussi réussie. Les problèmes rencontrés en 2023 ont été résolus, ce qui a permis de faire entrer en collision des faisceaux de 1 240 paquets par faisceau, espacés de 50 nanosecondes, avec une bonne production de luminosité. Cette performance a été encore améliorée par des intensités de faisceau légèrement supérieures à la normale fournies par les injecteurs. La disponibilité de la machine au cours de la campagne avec ions plombs a atteint le niveau impressionnant de 75 %, avec 42 % du temps en mode collisions. Il est normal que le temps de collision pour les ions plomb soit inférieur, car les faisceaux d'ions plomb restent généralement en collision pendant 6 heures, contre 10 heures dans le cas de faisceaux de protons. En outre, remplir le LHC avec des ions plomb prend plus de temps que le remplir avec des protons.

Dans l’ensemble, la campagne 2024 a mis la barre très haut et témoigne de l’excellent travail réalisé par toutes les équipes travaillant auprès du LHC et de son complexe d’injecteurs.

Plusieurs études de développement de la machine étaient prévues pour les dernières heures de la campagne d’exploitation 2024. La dernière étude visait à créer une perte de faisceau d’ion plomb croissante et bien contrôlée dans un aimant supraconducteur jusqu’à ce qu’une transition résistive se produise. Cela apporte de précieuses informations sur le seuil de perte de faisceau que peut supporter un aimant avant qu’une transition résistive se produise, et apporte un point de référence pour les simulations passées. Les expériences de ce type sont habituellement réservées à la fin de la campagne annuelle pour éviter d'éventuelles perturbations sur le programme de physique, car, sans cela, le temps de refroidissement nécessaire après une transition résistive obligerait à reprogrammer des expériences.

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L'un des nombreux écrans du CCC, résumant l'état du système cryogénique et indiquant s'il est en état d'alimenter les circuits de l'aimant. L'image, prise juste après la transition, indique clairement la dégradation des conditions cryogéniques dans une grande partie du secteur 8-1 (S81). Le graphique du bas montre l'évolution de la température, qui a augmenté rapidement dans le secteur S81 au cours de la transition résistive. (Image: CERN)

Malheureusement, à 6 h 35 le 23 novembre, deux jours avant la fin programmée de l'exploitation 2024, les faisceaux du LHC ont dû être éjectés en raison de transitions résistives non voulues, ce qui a mis un terme à l'exploitation.

Les pertes de faisceau produisent des neutrons, qui peuvent perturber l'électronique proche, ce qui cause ce qu'on appelle un effet à événement unique (EEU). En l'occurrence, la perte de faisceau a perturbé l'électronique du système de protection contre les transitions résistives (système QPS), qui a alors déclenché les éléments chauffants situés sur les aimants supraconducteurs, répartissant ainsi la chaleur également dans les aimants concernés afin d'éviter les dommages. Le phénomène de transition résistive a touché un nombre record d'aimants, à savoir 23 dipôles et deux quadripôles, dissipant environ 110 MJ d'énergie stockée.

Le 24 novembre en fin d'après-midi, le système de cryogénie a réussi à rétablir les températures des aimants ayant subi la transition résistive. Les circuits magnétiques ont ensuite été remis sous tension, afin que leur intégrité puisse être évaluée. Même si les observations initiales indiquaient un bon fonctionnement de ces circuits, il était trop tard pour reprendre les opérations de physique.  Une analyse approfondie par des experts est toujours en cours et devrait permettre de confirmer l'état des circuits.

Les ingénieurs et les techniciens vont maintenant se lancer dans un programme intensif d'activités de maintenance préventive et corrective dans le tunnel du LHC.  Il devrait être possible d'injecter du faisceau le 5 avril pour une nouvelle année de physique, qu’on peut espérer aussi réussie.

Une grande partie du complexe d'injecteurs est encore en fonctionnement ; ces machines seront arrêtées à 6 heures du matin le 2 décembre. Vous en saurez plus à ce sujet en lisant mon dernier article de 2024.

Qu'est-ce qu'une transition résistive, et que faire quand elle se produit ?

La transition résistive est ce qui se produit dans un aimant supraconducteur lorsqu'il passe de son état supraconducteur à un état résistif normal, perdant ainsi sa capacité à conduire le courant électrique sans résistance.

La transition est généralement déclenchée par un dépôt d'énergie localisé, comme la chaleur induite par les pertes de faisceau, les contraintes mécaniques, etc.

Les aimants supraconducteurs sont équipés de systèmes de protection contre les transitions résistives (systèmes QPS). Ceux-ci mesurent la tension aux bornes de l'aimant et peuvent déclencher des éléments chauffants qui permettent de répartir uniformément la chaleur le long de l'aimant pour dissiper l'énergie en toute sécurité et éviter des dommages localisés.