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Soixante-dix ans de physique théorique au CERN

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Theory seminar in 1962
Prentki, D'Espagnat et Amati, théoriciens au CERN, suivent un séminaire en 1962 (Image: CERN)

L'été, le calme règne dans les bâtiments du CERN, sauf dans les couloirs du département Physique théorique. C'est dans ces couloirs que les esprits les plus pointus en physique théorique se retrouvent tout au long de l'année pour discuter de modèles et de nouveaux résultats, créant cette atmosphère dynamique qui caractérise le département depuis sa création, il y a 70 ans. Si cet environnement favorise la recherche expérimentale menée au sein de l'Organisation, l'objectif principal du département, à savoir la description des lois de la nature, est une quête intellectuelle en soi. Les physiciens qui quittent le département Physique théorique gardent le contact et, ainsi que l'ont souhaité les fondateurs, transmettent où qu'ils aillent l’état d'esprit que le personnel du département continue de cultiver.

Le Groupe des études théoriques

Pendant la période de l'après-guerre, rassembler des personnes de différents pays autour de projets scientifiques ambitieux devint l'un des nombreux moyens de préserver et consolider la paix récemment retrouvée en Europe. Inspiré par cette idée, le Conseil provisoire du CERN créa, lors de sa première séance en mai 1952, le Groupe des études théoriques, l'un des quatre groupes d'étude chargés de concevoir un laboratoire unique en son genre. Situé à l'Institut de physique théorique de Copenhague, le groupe dirigé par Niels Bohr entreprit de transformer la vision imaginée par les fondateurs du CERN en une réalité. Trois objectifs furent imaginés pour ce groupe : mener des études et des recherches en physique des hautes énergies, établir des collaborations basées sur les instruments disponibles en Europe et, enfin, planifier de nouvelles collaborations sur le continent.

Conformément à ce plan d'action, les membres du Groupe des études théoriques collaborèrent avec leurs homologues de la physique expérimentale pour concevoir les premiers accélérateurs du CERN. Le groupe mena en parallèle ses propres recherches et apporta son expertise scientifique au Conseil provisoire. L'une de ses premières actions, en prélude à la deuxième séance du Conseil provisoire, fut d'organiser une conférence à l'Institut de physique théorique de Copenhague, qui mit l'accent sur la physique des particules élémentaires, et non sur la physique nucléaire, en raison de la découverte, quelques années auparavant, de kaons dans les rayons cosmiques ; ce basculement du centre d'intérêt allait façonner l'identité du CERN pour les années à venir. D'autres conférences, programmes de formation et visites d'instituts européens permirent aux théoriciens de diffuser leur esprit d’ouverture et renforcèrent les relations et les collaborations entre scientifiques, avant même que l'emplacement définitif du CERN n’ait été choisi ou que sa convention n’ait été signée.

De Copenhague à Genève
Le Conseil provisoire choisit d'établir le CERN à Genève, où le Groupe des études théoriques emménagea le 1er octobre 1957, rejoignant les théoriciens qui y travaillaient déjà depuis trois ans. Nombre des découvertes qu'ils firent au cours de cette période figurent dans les manuels scolaires actuels.

Depuis 1957, le CERN représente aux yeux du monde entier le cœur de la physique des hautes énergies, tant expérimentale que théorique. Un grand nombre des physiciens qui ont façonné le paysage de la physique théorique des hautes énergies, furent associés, à un moment ou à un autre, au département Physique théorique du CERN, notamment quatre anciens directeurs généraux du CERN.

En avance sur son temps

L'état actuel de la recherche en physique des particules ressemble à bien des égards à celui qui prévalait lors de la création du département Physique théorique. Dans les années 1950, de nombreuses particules avaient déjà été découvertes, mais il fallut ensuite près de deux décennies de recherche approfondie pour que cet éventail de particules soit organisé en un tableau cohérent : le Modèle standard de la physique des particules.

Aujourd'hui, le Modèle standard de la physique des particules assure cette cohérence mais ne parvient pas à décrire la physique à des échelles d'énergie supérieures, ce qui pousse les théoriciens à développer de nouveaux modèles pour expliquer cette nouvelle physique.

« Soixante-dix ans plus tard, les théoriciens du département Physique théorique nourrissent toujours le même idéal à l'origine du Groupe des études théoriques du CERN, explique Gian Giudice, chef du département Physique théorique. Nous voulons réunir des théoriciens du monde entier dans un environnement de recherche où la créativité et le talent de chacun peuvent s'épanouir, au nom de la science, de la paix et de la coopération. »