Lors de la conférence de Moriond de l’année dernière, des physiciens du CERN ont annoncé le départ de la particule « type Higgs », remplacée désormais par un « boson de Higgs » en bonne et due forme. Un an plus tard, lors de la même session de la même conférence, les physiciens ont des nouvelles encore plus intéressantes sur la désormais célèbre particule. À l’affiche donc cette semaine : la meilleure limite à ce jour sur la « largeur » du boson de Higgs, un paramètre qui détermine la durée de vie de la particule.
La « largeur » du Higgs, qui pourrait révéler des indices d’une nouvelle physique, fait partie depuis longtemps des éléments recherchés au LHC. Voilà que, moins de deux ans après la découverte, l'expérience CMS est celle qui s’est approchée au plus près de cette valeur, puisqu’elle a pu fixer une limite à < 17 MeV avec 95 % de confiance. Ce résultat est amélioré de deux ordres de grandeur par rapport aux limites précédentes : il va dans le sens d'une confirmation que ce boson ressemble fortement au boson de Higgs du Modèle standard. « C‘était formidable de voir comment ce résultat a été accueilli par la communauté scientifique ; c’était le sujet du jour à la conférence de Moriond, souligne Nicola De Filippis, du Politecnico et de l’INFN de Bari, membre de la collaboration CMS.
Les prédictions du Modèle standard
Pour une masse du Higgs de ~125 GeV, le Modèle standard prédit une largeur du Higgs de ~4 MeV. Une valeur plutôt petite, surtout si on la compare à la valeur correspondante pour les bosons W et Z (2 GeV et 2,5 GeV, respectivement). Avant ce nouveau résultat, la meilleure limite sur la largeur du Higgs, sur la base de mesures directes, s’établissait à une valeur inférieure à 3,4 GeV.
Une nouvelle approche
La nouvelle limite est donc 200 fois plus restrictive que les limites précédentes : comment cela peut-il s'expliquer ?
« Jusqu’à présent, les mesures de la largeur du Higgs s’étaient trouvées fortement limitées par la résolution des expériences, qui est de l’ordre de 2 ou 3 GeV – soit beaucoup plus que la grandeur qu’on essaye de déterminer », explique Roberto Covarelli, de l’Université de Rochester, membre de la collaboration CMS.
Il est également possible d’extraire une limite supérieure de la largeur du Higgs en admettant que ses interactions avec les particules connues sont celles prédites par le Modèle standard, tout en autorisant de nouvelles particules à affecter la largeur. Dans ce cadre, les résultats précédents de CMS et les résultats récemment mis à jour d’ATLAS peuvent se traduire par des limites supérieures sur la largeur du Higgs qui sont inférieures à 10 MeV.
En 2012, les théoriciens ont démontré que, avec moins d'hypothèses et en exploitant les événements où le Higgs se désintègre en deux particules Z, la queue de la distribution correspondant aux masses invariantes élevées pouvait être utilisée pour poser une limite à la largeur du Higgs. C’est en utilisant cette technique que la collaboration CMS a pu produire ce nouveau et remarquable résultat.
Des réponses nouvelles à des problèmes anciens
Il est intéressant de relever que cette limite fortement améliorée a été révélée, non pas par des données nouvelles, mais bien par de meilleures méthodes d'analyse. « C’est impressionnant de voir qu’avec un peu d’ingéniosité on arrive à faire du LHC un instrument de précision, même dans le secteur du Higgs », fait observer Luca Malgeri, coordinateur pour la physique de CMS. L’ère de l’expérimentation sur la physique du Higgs n’en est qu’à ses balbutiements, et nous avons encore beaucoup à apprendre avant de pouvoir explorer de nouveaux territoires. Et on peut s’attendre ultérieurement à d’autres nouvelles réponses aux problèmes anciens.
Pour en savoir plus
Le résultat complet de CMS sur la largeur du Higgs peut être consulté ici (en anglais) sur le serveur CDS du CERN. Vous pouvez également voir les transparents présentés à Moriond EWet Moriond QCD.
Pour en savoir plus sur la méthode d’analyse utilisée, voir les articles suivants :