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Nouvelle vie pour une ancienne technologie d'aimant

Le CERN développe pour le projet LHC à haute luminosité un aimant correcteur reposant sur un concept original datant des années 60

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New life for an old technology: canted cosine theta magnets

Un modèle court de 0,5 m de long a été testé au CERN en août. C’était une étape essentielle pour démontrer la validité de la conception et des solutions technologiques choisies. (Image : Glyn Kirby/CERN)

Parmi les 11 nouveaux types d'aimants qui sont en cours de développement pour le LHC à haute luminosité (HL-LHC), il y en a un qui porte plusieurs noms bizarres et qui a une histoire très particulière. Appelés invariablement « cosinus thêta à solénoïdes inclinés », « double hélice » ou « à solénoïdes aux spires inclinées », ces aimants reposent sur une configuration des plus simples où le câble conducteur est enroulé autour du tube de faisceau, formant ainsi deux solénoïdes superposés d'inclinaisons opposées (voir le schéma) - des solénoïdes, en effet, comme ceux qui sont installés à CMS, à la différence qu’ils sont environ soixante-dix fois plus petits et que leur bobinage est plus compact. Un double solénoïde aux spires inclinées présente un champ dipolaire pur.

« C'est la première fois qu'un aimant comme celui-ci sera utilisé dans un accélérateur de particules de physique des hautes énergies, explique Gijs De Rijk, responsable du laboratoire qui conçoit l’aimant correcteur. Son modèle a été proposé à la fin des années 1960 avant d'être industrialisé aux États-Unis. Un prototype destiné à la protonthérapie est en cours de construction au Laboratoire national Lawrence Berkeley, mais c'est la première fois que l’aimant sera vraiment utilisé pour l’application à haute énergie initialement prévue dans l'article publié dans les années 1960. »

Ce modèle exige environ 50 % de conducteur en plus par rapport à des bobines traditionnelles, mais cela devrait être compensé par la simplicité de sa configuration. « Pour construire cet aimant, dix schémas de conception sont nécessaires, au lieu d’une centaine pour des aimants normaux ; on a donc moins de composants et moins d’instruments à assembler – au bout du compte, nous devrions avoir un aimant moins cher et plus fiable », explique Glyn Kirby, ingénieur chargé du développement de l'aimant.

Dans le HL-LHC, deux aimants en cosinus thêta à solénoïdes inclinés de 2 mètres de longueur seront placés près de la région d'insertion des expériences ATLAS et CMS et seront utilisés comme aimants correcteurs. Complétant les aimants dipolaires et quadripolaires qui guident et focalisent les particules chargées, ces aimants, faits en niobium-titane, viendront corriger les imperfections résiduelles et compenser les erreurs d'alignement. Ils serviront également à ouvrir l'angle de croisement entre les deux faisceaux après la collision, afin d'éviter des collisions parasites dans les détecteurs. 

Des scientifiques du Laboratoire national Lawrence Berkeley, aux États-Unis, étudient également la possibilité d'appliquer ce concept à des aimants de champ plus élevé en niobium étain (Nb3Sn), approchant la limite des 10 T. Récemment, l'Institut Paul Scherrer, à Villigen (Suisse) s'est joint lui aussi au projet. D'importants travaux de R&D sur le modèle de solénoïde à spires inclinées auront lieu au cours des prochaines années.

Les aimants en cosinus thêta à solénoïdes inclinés : le câble conducteur est enroulé autour du tube de faisceau, formant ainsi deux solénoïdes superposés d'inclinaisons opposées. (Image : CERN)