Cet été, l’installation HiRadMat (High Radiation to Materials) a commencé à tester les premiers prototypes de mâchoire de collimateur pour le LHC haute luminosité (HL-LHC). Leur résistance lorsqu’ils sont bombardés par des faisceaux de haute énergie et de haute intensité sera décisive pour les accélérateurs de particules du futur…
Le dispositif HiRadMat utilise des faisceaux du SPS pour tester en conditions extrêmes les matériaux et les composants des accélérateurs de particules. Les accélérateurs devenant de plus en plus puissants, il faut recourir à des matériaux capables de résister à des conditions de pression et de température extrêmes, ainsi qu’à des niveaux élevés de radiation.
En 2012, une des expériences HiRadMat a examiné six matériaux différents susceptibles d’être utilisés dans les collimateurs et les systèmes absorbeurs. Au vu des résultats (voir l’encadré), deux échantillons se sont distingués : le molybdène-graphite et le cuivre-diamant. Ces « candidats » sont passés à l'étape suivante, et trois mâchoires de collimateur complètes (une mâchoire standard du LHC et deux fabriquées à partir des nouveaux matériaux pour le futur HL-LHC) sont actuellement mises à l’épreuve dans le cadre d’une expérience spécifique, menée par le groupe Mécanique et génie des matériaux (EN/MME), avec le soutien de plusieurs groupes des départements EN, BE, TE et PH. « Ces nouveaux matériaux sont le produit de plusieurs années de développement et d’optimisation, précise Alessandro Bertarelli, chef d'équipe pour l'expérience portant sur les mâchoires. Ils sont désormais prêts à être durement testés dans leur configuration finale, celle d’une mâchoire de collimateur grandeur nature pour le HL-LHC. »
« Nous réalisons des études détaillées en simulant différentes situations “d’accident”, et observons le comportement des trois mâchoires, explique Michael Guinchard, responsable du système d’instrumentalisation et d’acquisition de données de l’expérience. Nous avons recréé une situation d'injection défectueuse du faisceau, dans laquelle les paquets touchent directement la mâchoire et, jusqu’à présent, les résultats correspondent à nos simulations. D’ici la fin de l’année, nous espérons valider un type de mâchoire, qui sera monté sur un prototype de collimateur du HL-LHC pour la qualification finale. »
Outre les jauges d’extensométrie électriques, les jauges de température, un vibromètre laser à effet Doppler et une caméra à haute vitesse intégrés à l’expérience de 2012, l'équipe en charge de l'expérience a ajouté toute une batterie de nouveaux instruments en 2015. « Plus particulièrement, nous utilisons la fibre optique pour analyser le comportement de la mâchoire lors de son contact avec les faisceaux », précise Michael Guinchard. La fibre optique est reliée directement à la surface des mâchoires, et lors de l’impact des faisceaux, elle se déforme. Ceci provoque des changements subtils dans son signal, fournissant une image très sensible de la déformation de la mâchoire, complétant idéalement l'information des jauges d’extensométrie électriques.
L’équipe a aussi installé de nouveaux dispositifs à ultrasons pour examiner l’intérieur des matériaux. Ces petites sondes ont un diamètre d’à peine 8 mm et résistent à des conditions de températures et de radiations élevées (respectivement 350°C et 1000 kGy). « Grâce aux ultrasons, nous pourrons voir au-delà des dégâts en surface, et pénétrer directement au cœur du matériau, explique Federico Carra, responsable de la conception et du génie mécaniques de collimateur HL-LHC. Désormais, nous pouvons repérer la propagation de fissures, les fusions internes ainsi que d'autres défauts non visibles. »
Le composé molybdène-graphite a aussi retenu l’attention en dehors du CERN. « En plus d'être résistant au chocs, il est très léger et extrêmement conducteur, et peut donc convenir parfaitement à un grand nombre d’utilisations, indique Federico Carra. Par exemple, il pourrait être utilisé dans l’électronique haut de gamme, l’avionique, ou même dans les systèmes avancés de freinage. Nous travaillons de pair avec le groupe Transfert de connaissances du CERN pour découvrir d’autres possibilités d’utilisation. »