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ATLAS réalise une mesure de luminosité d’une précision record

Connaître précisément la luminosité est crucial, tant pour la recherche de nouveaux phénomènes que pour les mesures de précision de processus connus du Modèle standard

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Final LS2 upgrade work to the ATLAS detector before cavern closure
Le détecteur ATLAS pendant les travaux d’amélioration en vue de la troisième période d'exploitation du LHC. (Image: CERN)

Lorsque le Grand collisionneur de hadrons (LHC) est en fonctionnement, il produit plus d'un milliard d'interactions proton-proton par seconde. Mais combien exactement ? Pour toute analyse de données du LHC, il est essentiel de mesurer avec une grande précision ce que l'on appelle la luminosité, c'est-à-dire le nombre total d'interactions proton-proton figurant dans un ensemble de données déterminé. Les scientifiques peuvent ainsi évaluer la probabilité d’occurrence d’événements intéressants, et prédire les taux d’occurrence de processus d'apparence similaire relevant du bruit de fond. Pouvoir distinguer les deux types d’événements est crucial, tant pour la recherche de nouveaux phénomènes que pour les mesures de précision de processus connus du Modèle standard.

ATLAS a publié récemment une mesure de luminosité qui est la plus précise jamais réalisée par la collaboration à ce jour. Les équipes ont étudié les données collectées sur quatre années (2015-2018), couvrant l'ensemble de la deuxième période d'exploitation du LHC, pour évaluer, à partir de cet ensemble de données, la luminosité totale fournie à l'expérience ATLAS.

En quoi consiste exactement cette mesure ? Lorsque les faisceaux de protons circulent dans le LHC, ils sont disposés en « paquets » contenant chacun plus de 100 milliards de protons. Lorsque deux paquets circulant en sens opposé se croisent, certains des protons interagissent. En déterminant le nombre d'interactions à chaque croisement de paquets, on obtient une mesure de la luminosité. La valeur obtenue dépend du nombre de protons par paquet, du degré de compression des paquets et de leur angle de croisement. La luminosité dépend aussi du nombre de paquets de protons entrant en collision dans chaque faisceau.

ATLAS dispose de plusieurs détecteurs sensibles au nombre de particules produites dans les interactions proton-proton ; le nombre moyen de particules mesurées est dans de nombreux cas proportionnel au nombre moyen d'interactions proton-proton par croisement de faisceaux. Les chercheurs peuvent donc utiliser cette valeur pour suivre la luminosité « instantanée » en temps réel pendant les périodes de collecte de données, et pour mesurer la luminosité cumulée (« intégrée ») sur de plus longues périodes.

Alors que, pendant la collecte de données, ces détecteurs ont fourni à ATLAS des mesures relatives de la luminosité, il a fallu, pour obtenir des mesures de la luminosité absolue, mettre au point une configuration spéciale du faisceau du LHC permettant un étalonnage des signaux des détecteurs. Une fois par an, les équipes déplacent les faisceaux de protons du LHC de leur position normale afin que les détecteurs de luminosité puissent enregistrer le nombre de particules produites. Cette méthode est désignée sous le nom de balayage van der Meer, du nom du prix Nobel de physique Simon van der Meer, qui a développé l'idée dans les années 1960 pour l'appliquer aux anneaux de stockage à intersections du CERN. Elle permet d'estimer la taille du faisceau et de mesurer la densité en protons des paquets, puis, sur la base de cette information, d’étalonner les signaux des détecteurs.

En étroite collaboration avec les scientifiques d'ATLAS, les spécialistes du LHC ont effectué des balayages van der Meer dans des conditions de faible luminosité, avec une moyenne d'environ 0,5 interaction proton-proton par croisement de paquets et de très longs intervalles entre les paquets. À titre de comparaison, le LHC fonctionne généralement avec 20 à 50 interactions par croisement de paquets, et avec des paquets plus proches les uns des autres dans une structure en « train ». Les équipes doivent donc extrapoler les résultats des balayages van der Meer dans des conditions normales de collecte de données en utilisant les mesures des détecteurs sensibles à la luminosité.

Au moyen de cette méthode, et après une évaluation minutieuse des effets systématiques pouvant influencer une mesure de luminosité, les physiciens d'ATLAS ont déterminé que la luminosité intégrée de l'ensemble complet de données de la deuxième période d'exploitation, enregistrées par ATLAS et considérées comme exploitables en vue d'une analyse pour la physique, était de 140,1 ± 1,2 fb-1. À titre de comparaison, 1 femtobarn inverse (fb-1) correspond à environ 100 000 milliards de collisions proton-proton. Avec une incertitude de 0,83 %, le résultat représente la mesure de luminosité la plus précise jamais atteinte dans un collisionneur de hadrons. Ce résultat améliore les mesures précédentes d'ATLAS d'un facteur 2 et est comparable aux résultats obtenus par les expériences ISR (0,9 %).

Pour en savoir plus, voir le site web de l’expérience ATLAS (en anglais).