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Une étude récente de la collaboration ALICE sur l'antimatière contribuera à la recherche de matière noire

L'étude d'antinoyaux légers, de leur création à leur annihilation, facilitera à l'avenir la recherche indirecte de matière noire

ALICE empty structure after modules removal, during LS2
Vue du détecteur souterrain ALICE utilisé pour étudier l'antideutéron (Image: CERN)

Cette actualité fait partie d'une série d’articles relatifs à l'édition 2020 de la conférence sur la physique auprès du Grand collisionneur de hadrons (LHCP), qui se déroule du 25 au 30 mai 2020. En raison de la pandémie de COVID-19, la conférence, qui devait se tenir initialement à Paris, a lieu entièrement en ligne.


La collaboration ALICE présente de nouveaux résultats sur les taux de production d’antideutérons s’appuyant sur des données collectées à l'énergie de collision la plus élevée à ce jour dans le Grand collisionneur de hadrons (LHC). L'antideutéron est constitué d'un antiproton et d'un antineutron. Ces nouvelles mesures sont importantes car la présence d'antideutérons dans l'espace est un indice prometteur de candidats à la matière noire. Ce résultat constitue une étape importante dans la recherche de matière noire.

Des résultats obtenus récemment en cosmologie et en astrophysique semblent indiquer que la matière noire est la forme de matière prédominante dans l'Univers, représentant environ 85 % de la matière. La nature de la matière noire reste une grande énigme, dont la résolution ouvrirait de nouvelles perspectives pour la physique.

Des antideutérons détectés dans l'espace pourraient être une signature indirecte de la matière noire, car ils pourraient être produits lors de l'annihilation ou de la désintégration de neutralinos ou de sneutrinos, particules de matière noire hypothétiques.

Diverses expériences traquent les antideutérons dans l'Univers, dont le détecteur AMS, arrimé sur la Station spatiale internationale. Toutefois, avant de pouvoir déduire l'existence de matière noire à partir de la détection de ces noyaux, les scientifiques doivent déterminer, d’une part leur taux de production par d'autres sources (à savoir les collisions entre les rayons cosmiques et des noyaux dans le milieu interstellaire), et, d’autre part, leur taux d’annihilation lorsqu'ils rencontrent de la matière sur leur chemin. Pour pouvoir affirmer que l'antideutéron détecté est lié à la présence de matière noire, il faut déjà connaître les taux de production et d'annihilation.

En faisant entrer en collision des protons dans le LHC, l’équipe d'ALICE a simulé la production d'antideutérons dans les collisions générées par les rayons cosmiques et a pu ainsi mesurer le taux de production associé à ce phénomène. Ces mesures sont fondamentales pour modéliser les processus de production d’antideutérons dans l'espace. En comparant la quantité d'antideutérons détectés à celle des particules de matière homologues (les deutérons, qui ne s'annihilent pas dans le détecteur), on a pu déterminer, pour la première fois, la probabilité d'annihilation des antideutérons de basse énergie.

Ces mesures serviront à de futures études sur les antideutérons détectés à proximité de la Terre, et aideront les physiciens à déterminer si ces noyaux sont des signatures de la présence de particules de matière noire, ou, au contraire, s'ils sont la manifestation de phénomènes connus.

Par la suite, les études de ce type à ALICE pourraient être étendues à des antinoyaux plus lourds. « Le LHC et l'expérience ALICE sont des instruments uniques au monde pour l’étude des noyaux d'antimatière », a déclaré Luciano Musa, porte-parole d'ALICE. « Ce résultat restera une référence cruciale pour l’interprétation des futures recherches en astrophysique sur la matière noire. »


Pour en savoir plus :

  • « Measurement of the low-energy antideuteron inelastic cross section » [PDF] : arXiv:2005.11122
  • « (Anti-)Deuteron production in pp collisions at √ s = 13 TeV» [PDF] : arXiv:2003.03184