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NA64 fixe des limites à la contribution de nouveaux bosons X au magnétisme de l’électron

Ce résultat ne suffit pas à expliquer la tension apparente avec le Modèle standard

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The NA 64 experiment
L’expérience NA64. (Image: CERN)

Le Modèle standard de la physique des particules a de solides fondements, mais il n’est pas complet ; c’est pourquoi les scientifiques continuent de chercher de nouvelles particules et forces qui pourraient le compléter et contribuer à expliquer certaines anomalies par rapport au Modèle dans le comportement de particules connues. Dans un article dont la publication a été acceptée par la revue scientifique Physical Review Letters, la collaboration NA64 présente une étude consacrée à la recherche de nouvelles particules, à savoir des « bosons X » légers qui pourraient véhiculer une nouvelle force ; des limites ont pu être fixées concernant la façon dont ces particules pourraient contribuer à une propriété fondamentale de l’électron, dans laquelle une anomalie est apparue récemment.

Cette propriété fondamentale est le moment magnétique anomal. Le moment magnétique d’une particule est une mesure de la manière dont celle-ci interagit avec un champ magnétique. Le moment magnétique anomal correspond à la partie du moment magnétique résultant de l’interaction de cette particule avec des particules virtuelles qui apparaissent et disparaissent continuellement. Ces particules virtuelles peuvent être toutes les particules connues, prédites par le Modèle standard, mais elles pourraient aussi comprendre des particules jamais observées à ce jour. Par conséquent, un écart entre la prédiction par le Modèle standard du moment magnétique anomal d’une particule et les mesures de haute précision de cette propriété pourrait être le signe d’une nouvelle physique prenant la forme de nouvelles particules ou forces.

L’exemple le plus frappant de ce type d’anomalie est le moment magnétique anomal du muon, pour lequel le Fermilab, aux États-Unis, a récemment annoncé un écart par rapport à la théorie, avec une signification statistique de 4,2 écarts-types – soit légèrement inférieure aux 5 écarts-types requis pour valider la découverte d’une nouvelle physique. Un autre exemple mérite également d’être cité même si la signification statistique est inférieure dans ce cas : la valeur du moment magnétique anomal de l’électron prédite par le Modèle standard, sur la base de la mesure de la constante fondamentale qui détermine l’intensité de la force électromagnétique, diffère de la mesure expérimentale directe à hauteur de 1,6 ou 2,4 écarts-types, selon la méthode de mesure utilisée.

Certes, cette anomalie pourrait disparaître avec la réalisation de nouvelles mesures ou l’amélioration des prédictions théoriques, mais elle pourrait aussi constituer une première indication d’une nouvelle physique, d’où l’importance de l’étudier. Dans sa nouvelle étude, la collaboration NA64 a cherché à déterminer si de nouveaux bosons X légers pouvaient contribuer au moment magnétique anomal de l’électron et donc expliquer cette anomalie apparente.

NA64 est une expérience à cible fixe qui envoie sur une cible un faisceau d’électrons d’une énergie comprise entre 100 et 150 GeV, via une ligne de faisceau secondaire provenant du Supersynchrotron à protons, dans le but de rechercher de nouvelles particules produites par des collisions entre les électrons du faisceau et les noyaux atomiques de la cible. Pour cette nouvelle étude, l’équipe de NA64 s’est lancée à la recherche des bosons X légers en s’intéressant à l’énergie de collision « manquante » qu’ils auraient emportée. Cette énergie peut être déterminée par l’analyse de l’énergie totale des collisions.

En analysant les données recueillies en 2016, 2017 et 2018, qui correspondent au total à quelque trois cents milliards d’électrons frappant la cible, les scientifiques de NA64 ont pu fixer des limites à l’intensité de l’interaction d’éventuels bosons X avec un électron et, par conséquent, aux contributions de ces particules au moment magnétique anomal de l’électron. Ils ont conclu que la contribution des bosons X dont la masse est inférieure à 1 GeV pourrait être, au maximum, comprise entre un sur un million de milliards et un sur 10 000 milliards, en fonction de la masse de ce boson.

« Ces contributions sont trop faibles pour expliquer l’anomalie actuelle du moment magnétique anomal de l’électron, commente Sergei Gninenko, porte-parole de NA64. Mais le fait que NA64 ait atteint une sensibilité supérieure à la précision actuelle des mesures directes du moment magnétique anomal de l’électron et aux récentes mesures de haute précision de la constante de structure fine est déjà un résultat étonnant. Cela montre que l’expérience NA64 est bien placée pour rechercher une nouvelle physique, et pas seulement dans le moment magnétique anomal de l’électron. »