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Le refroidissement par double piège améliore la précision des mesures sur l'antimatière

La collaboration BASE a réalisé la première démonstration d'un refroidissement sympathique par double piège, ouvrant la voie à une amélioration notable des études sur les antiprotons

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Cool experiment
Une expérience cool — Matthew Bohman (à gauche) et Christian Smorra montrent l'emplacement du piège de Penning dans lequel les protons sont refroidis individuellement dans un nouveau dispositif de double piège mis au point à l'Université de Mayence. (Image: Stefan F. Sämmer/JGU)

Imaginez deux enfants en train de faire de la balançoire. L'un, plutôt téméraire, se propulse haut dans les airs. L'autre, plutôt rêveur, se balance doucement.

Imaginez maintenant que ces deux enfants tiennent chacun dans leur main l'extrémité d'un long ressort. Sous l'effet de la tension du ressort, les balancements d’avant en arrière de l'enfant rêveur sont de plus en plus rapides, alors que ceux de l'enfant téméraire deviennent plus lents et de plus en plus courts.

Tel est le principe à la base de la démonstration d'une nouvelle technologie révolutionnaire rapportée dans la revue Nature par la collaboration BASE, collaboration internationale de physique des particules auprès de l'usine d'antimatière du CERN. L'enfant téméraire, c’est en fait un proton isolé qui oscille à l'intérieur des champs magnétiques et électrique d'un piège de Penning. L'enfant rêveur, c’est un nuage d'ions béryllium refroidis par laser à l'intérieur d'un deuxième piège. Le ressort représente une innovation unique au monde de la collaboration BASE : un circuit électrique supraconducteur résonant qui transfère l'énergie du proton aux ions, un peu comme le ressort transfère l'énergie d'une spire à une autre. Les balancements de plus en plus courts correspondent à une baisse de la température du proton et donc à une plus grande précision des études expérimentales.

« C'est une étape importante dans la spectroscopie de précision par piège de Penning, souligne Christian Smorra, de l'Institut Riken et de l'Université de Mayence, où la démonstration a été réalisée, et porte-parole adjoint de l'expérience BASE. Avec des procédures optimisées, la température des particules devrait pouvoir atteindre de l'ordre de 20 à 50 mK, idéalement en un temps de l’ordre de 10 secondes. Jusque-là, il fallait 10 heures pour parvenir à 100 mK.

Cette nouvelle procédure de refroidissement accéléré par double piège augure une augmentation gigantesque des données disponibles pour les scientifiques. C'est également une avancée révolutionnaire pour l'étude de la particule qui intéresse principalement l'expérience BASE : l'antiproton. Les techniques de refroidissement conventionnelles sont difficilement applicables à l'antimatière car il est très compliqué de faire cohabiter de la matière et de l'antimatière dans un même piège. L'utilisation de cette nouvelle technique devrait permettre d'améliorer notablement les mesures de premier plan déjà réalisées par l'expérience BASE en ce qui concerne les propriétés fondamentales des antiprotons. De telles mesures sont également susceptibles de lever le voile sur l'une des grandes questions encore non élucidées de la physique des particules : la prédominance inexpliquée de la matière par rapport à l'antimatière dans l'Univers.

« Nous cherchons à améliorer en permanence la précision des comparaisons matière-antimatière afin de mieux comprendre l'asymétrie cosmologique matière-antimatière, explique Stefan Ulmer, de l'Institut Riken et porte-parole de l'expérience BASE. Cette nouvelle technique deviendra essentielle pour ces expériences, qui ont pour but de mesurer les constantes fondamentales de l'antimatière avec une précision encore meilleure que 10-12. »

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Pour en savoir plus, lire le rapport complet en anglais du CERN Courier.