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Des collisions de protons à 13 TeV pour préparer la physique

Les premières collisions à 13 TeV au LHC permettront de régler les systèmes qui protègeront les détecteurs des particules égarées

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Durant les prochaines vingt-quatre heures, des faisceaux de protons devraient pour la première fois entrer en collision dans le Grand collisionneur de hadrons (LHC) à une énergie record de 13 téraélectronvolts (TeV).  C’est l’une des nombreuses grandes étapes requises pour préparer la machine avant le début de la deuxième période d’exploitation. L’équipe responsable des opérations au LHC devrait annoncer des faisceaux stables dans les semaines à venir, donnant ainsi le coup d’envoi aux expériences LHC pour commencer à enregistrer des données pour la physique à ce nouveau niveau d’énergie.

« Nous commençons par faire entrer des faisceaux en collision à 13 TeV et ajustons leurs orbites pour avoir des collisions frontales, explique Ronaldus SuykerBuyk, de l'équipe Opérations du LHC.

Le mois dernier, les faisceaux de protons ont fait leur retour pour la première fois dans l’accélérateur, après deux années de travaux intenses de maintenance et de consolidation.  Le 10 avril, un premier faisceau a circulé à l’énergie record de 6,5 TeV, suivi des premières collisions à plus basse énergie - 450 gigaélectronvolts (GeV).

L’équipe a déjà vérifié et ajusté toute l’instrumentation de faisceau, les aimants et les collimateurs le long des 27 kilomètres de l'anneau pour les collisions à 900 GeV. Mais lorsque l’énergie du faisceau est portée à 6,5 TeV, les paramètres et les orbites du faisceau changent notablement par rapport à 450 GeV. En outre, la taille du faisceau au niveau des points de collision dans les expériences est beaucoup plus petite. Les collisions n’ont donc pas lieu au même endroit.

« Lorsque l’on commence à faire entrer des faisceaux en collision à un nouveau niveau d’énergie, il arrive souvent qu’ils se manquent, explique Jorg Wenninger de l’équipe Opérations du LHC.  Les faisceaux sont très fins, environ 20 micromètres de diamètre à 6,5 TeV, soit plus de dix fois plus petits qu’à 450 GeV.  Nous devons donc effectuer des réglages - ajuster l’orbite de chaque faisceau jusqu’à ce que les taux de collision fournis par les expériences nous disent que les faisceaux entrent en collision correctement. »

Le LHC est conçu de telle manière qu’il peut y avoir plus de 2 800 paquets de protons dans chaque faisceau en même temps. Mais l’équipe responsable des opérations au LHC va commencer des collisions tests avec seulement un ou deux paquets par faisceau à l’intensité nominale de 1011 particules par paquet afin de s’assurer que tout fonctionne bien.

Une fois qu’elle aura trouvé les points où les faisceaux interagissent de manière optimale pour produire le plus de données de physique possible, il faudra positionner les collimateurs avec précision autour de l’orbite des faisceaux pour pouvoir intercepter les particules égarées avant qu'elles ne heurtent un aimant ou un détecteur.  « Lorsque la position de tous les collimateurs aura été validée, le LHC passera en mode production et deviendra une “usine à collisions” qui fournira des données aux expériences », poursuit Jorg Wenninger. Les expériences seront alors pleinement opérationnelles et l’exploitation 2 du LHC pourra commencer.

En attendant, les grandes expériences LHC (ALICE, ATLAS, CMS et LHCb) vont utiliser les données tests pour vérifier certaines parties de leur détecteur en vue de la prochaine période d’exploitation.

« Les collisions à 13 TeV vont nous permettre de tester toutes les améliorations qui ont été apportées aux systèmes de déclenchement et de reconstruction, et de vérifier la synchronisation de tous les éléments de notre détecteur », souligne Tiziano Camporesi, porte-parole de CMS.

« Ces données sont précieuses car elles vont nous permettre d'affiner notre préparation en vue de la prochaine exploitation, indique Paolo Giubellino, porte-parole d’ALICE.  De nouveaux détecteurs ont été installés pendant le long arrêt et les systèmes de déclenchement et de lecture ont été considérablement améliorés.  Ces premières données seront très utiles pour valider les nouveaux matériels. »

« Même si ces collisions ne serviront pas pour la physique à proprement parler, elles permettront d’améliorer la synchronisation des temps de lecture des différentes parties des calorimètres et des détecteurs de muons, ajoute Guy Wilkinson, porte-parole de LHCb.

« Après les récentes collisions à 900 GeV, les données obtenues à 13 TeV nous permettront de mieux préparer le détecteur ATLAS, indique Dave Charlton, porte-parole d’ATLAS.  Ainsi, avec des énergies plus élevées, nous devrions obtenir un plus grand nombre d’événements issus des collisions, qui nous permettront par exemple de mieux appréhender le détecteur. »

Pour l’équipe responsable des opérations au LHC, l’annonce de faisceaux stables ne sera qu’un début.   « Nous travaillons toujours sur la chaîne d’injection du LHC et finalisons les collimateurs, indique Jorg Wenninger. La machine évolue. Au fil des mois, d’infimes changements apparaissent, comme l’alignement de la machine, qui se modifie un peu à mesure que la géologie de la zone évolue. Il faut s’adapter jour après jour ».

Les collisions à 13 TeV permettront de vérifier la « navigabilité » du LHC, l’accélérateur phare du CERN.  Mais le voyage vers de nouveaux territoires n’a pas encore commencé.