View in

English

OPERA détecte son cinquième neutrino tau

Des chercheurs du laboratoire du Gran Sasso (Italie) ont détecté un neutrino tau dans le faisceau en provenance du CERN

L’expérience OPERA (Oscillation Project with Emulsion-tRacking Apparatus) au laboratoire du Gran Sasso, rattaché à l’Institut national italien de physique nucléaire (INFN), en Italie, a détecté la cinquième occurrence d’un neutrino tauique dans le faisceau de neutrinos muoniques produit au CERN. Cela signifie qu’une particule qui a quitté le CERN sous la forme d’un neutrino muonique est arrivée sous la forme d’un neutrino tauique au laboratoire du Gran Sasso, après avoir subi une « oscillation » durant son voyage de 730 kilomètres.

Ce résultat, annoncé hier par des chercheurs du Laboratoire du Gran Sasso, est évalué à 5 sigmas sur l’échelle utilisée par les physiciens pour décrire le degré de certitude. Un résultat d’un sigma pourrait être la conséquence de fluctuations aléatoires dans les données ; un résultat de 3 sigmas est qualifié de mise en évidence et un résultat de 5 sigmas ou plus est considéré comme une véritable observation. Par définition, la probabilité qu’un résultat de 5 sigmas soit fausse est inférieure à une chance sur un million.

« La détection d’un cinquième neutrino tauique est extrêmement importante : nous pouvons annoncer avec certitude la découverte de l’apparition de neutrinos tauiques dans un faisceau de neutrinos muoniques, » a déclaré Giovanni De Lellis, porte-parole de l’INFN de Naples (Italie) au nom de l'équipe de recherche internationale.

Il existe dans la nature  trois types ou « saveurs » de neutrinos : le neutrino électronique, le neutrino muonique et le neutrino tauique. Mais les neutrinos sont, semble-t-il, les caméléons du monde subatomique, car ils peuvent passer d’une saveur à l’autre. Ce phénomène, appelé « oscillation », se produit lorsque les neutrinos parcourent de longues distances à travers la matière. Il est directement lié à la masse infime de ces particules.

L’expérience OPERA, qui a fonctionné de 2006 à 2012, a été conçue pour rechercher des neutrinos tauiques dans le faisceau de neutrinos muoniques en provenance du CERN ; la détection de neutrinos tauiques dans ce faisceau constitue la preuve qu’une oscillation s’est produite durant le voyage de 730 km des particules.

Le CERN a produit les faisceaux de neutrinos pour le laboratoire du Gran Sasso en envoyant des protons, extraits du Supersynchrotron à protons (SPS), sur une cible en graphite. La collision a produit des particules appelées pions et kaons, qu’un système composé de deux lentilles magnétiques a focalisées pour former un faisceau unique en direction du Gran Sasso. Les pions et kaons se sont ensuite désintégrés en muons et en neutrinos muoniques dans un tube souterrain d’un kilomètre de long. À la sortie de ce tube, un bloc de graphite et de métal de 18 mètres d’épaisseur a absorbé les protons, ainsi que les pions et les kaons qui ne se sont pas désintégrés. Comme la roche bloque le passage des muons, seuls les neutrinos muoniques ont poursuivi leur voyage souterrain jusqu’au laboratoire du Gran Sasso. N’interagissant que très faiblement avec la matière, les neutrinos ont pu parcourir les 730 kilomètres entre les deux laboratoires directement à travers l’écorce terrestre. À leur arrivée au Gran Sasso, une petite fraction d’entre eux a interagi avec le détecteur OPERA, lequel a pu en déterminer le type.   

Après avoir détecté en 2006 les premiers neutrinos muoniques produits au CERN, l’expérience a pu recueillir des données entre 2008 et fin 2012. Le premier neutrino tauique a été observé en 2010. Les deuxième et troisième événements ont été annoncés respectivement en 2012 et 2013, et le quatrième a été publié en 2014.

« Si le résultat annoncé hier a pu être obtenu, c’est grâce aux efforts constants de l'ensemble des chercheurs associés au projet, à l’excellente performance du faisceau de neutrinos du CERN et à l’appui des organismes de financement », a souligné Giovanni De Lellis.

Les scientifiques poursuivront l’analyse des données recueillies, à la recherche d'autres neutrinos tauiques issus de l’oscillation de neutrinos muoniques. Les techniques développées pour l’expérience OPERA seront utilisées dans de futures expériences en physique des neutrinos et dans d'autres domaines.