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La cellule plasma d’AWAKE vient réveiller l’accélération

Grâce à sa cellule plasma, AWAKE va pouvoir tester une accélération des centaines de fois plus puissante que celle obtenue avec les méthodes actuelles

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Awakening acceleration: AWAKE’s plasma cell arrives

La cellule plasma de 10 mètres de long d’AWAKE, mise au point par l’institut de physique Max Planck, a été installée dans le tunnel de l’expérience. (Image : Maximilien Brice/CERN)

Imaginez une technologie qui permettrait d’accélérer les particules avec une puissance des centaines de fois supérieure à celle obtenue avec les méthodes actuelles. Ce rêve pourrait devenir une réalité grâce aux champs de sillage plasma générés par des protons, bientôt testés par l’expérience AWAKE, en cours de construction au CERN. Jeudi 11 février, un élément essentiel a été descendu dans le tunnel et installé : une cellule plasma de 10 mètres de long, mise au point par l’institut de physique Max Planck (MPP), basé à Munich.

Les accélérateurs actuels utilisent des champs électriques. Les particules chargées sont accélérées à l’aide de cavités radiofréquence (RF) à l’intérieur desquelles le champ électrique oscille de manière à donner un « coup d’accélération » aux particules. Avec cette technologie, la seule solution pour obtenir plus de puissance serait de construire des accélérateurs plus grands.

Or l’accélération par champ de sillage plasma pourrait être une alternative. Un faisceau de protons, le « faisceau d’entraînement », est injecté dans un gaz ionisé (ou plasma) ; en le traversant, il attire les électrons libres et crée dans son sillage des ondes de charges électriques. Un deuxième faisceau d’électrons, le « faisceau témoin », est ensuite injecté pendant la phase appropriée, derrière le faisceau de protons. Alors, à la manière d’un surfeur glissant sur une vague, les électrons sont ensuite accélérés par le champ de sillage des protons.

L’accélération par champ de sillage plasma a déjà été testée avec succès dans différents laboratoires du monde en utilisant un faisceau d’électrons comme faisceau d’entraînement. La particularité d’AWAKE, et ce qui en fait une expérience de démonstration de principe, c’est que le champ de sillage testé sera généré, pour la première fois, par des protons. Une telle opération ne peut être réalisée qu’au CERN, car elle nécessite des faisceaux de protons de haute énergie. C’est pourquoi AWAKE prendra place dans l’installation précédemment réservée à l’expérience CNGS et utilisera le faisceau de protons produit par le Supersynchrotron à protons (SPS).  Pourquoi des protons ? Leur énergie est plus élevée que celle des électrons utilisés d’ordinaire pour l’accélération par champ de sillage plasma. Ils pénètrent donc davantage dans le plasma et peuvent créer une onde plus longue, donc une accélération plus puissante. Les physiciens pensent pouvoir produire des accélérations plusieurs centaines de fois plus puissantes que celles obtenues avec les cavités RF.

La première phase d’installation d’AWAKE s’achèvera cette année, avec la mise en place du laser et des systèmes de vide et de diagnostic pour le laser et pour les faisceaux de protons. La première phase d’expérimentation devrait débuter à la fin de l’année, lorsque sera testée la physique de l’accélération par champ de sillage plasma entraînée par des protons. L’année prochaine, la source d’électrons et la ligne de faisceaux d’électrons seront installées pour tester l’injection d’un faisceau d’électrons et son accélération dans le plasma.

« Il reste encore beaucoup de défis à relever, confie Edda Gschwendtner, responsable CERN du projet AWAKE. Mais si cette technologie fonctionne, l’avenir s’annonce radieux. Nous pourrions avoir des collisionneurs linéaires beaucoup plus courts, et même des accélérateurs de table pour un usage médical. »

Pour en savoir plus, regardez la présentation TEDxCERN d’Edda Gschwendtner.

 

Entretien avec Edda Gschwendtnder, responsable du projet AWAKE, le jour où la cellule plasma a été transportée depuis le hall de surface où elle était testée jusqu’au tunnel de désintégration du SPS. (Vidéo : Jacques Herve Fichet/Paola Catapano/CERN)