AWAKE, l’expérience du CERN qui étudie des procédés permettant d’obtenir des accélérateurs de particules plus compacts, est la première installation à mettre en pause ses activités en vue du troisième long arrêt du CERN (LS3). Alors que la plupart des machines du complexe d’accélérateurs du CERN entameront leur période du LS3 à la mi-2026, AWAKE a arrêté ses opérations le 1er juin pour entreprendre une série d’améliorations importantes.
Les accélérateurs actuels, tels que le Grand collisionneur de hadrons, utilisent des champs radiofréquences présents dans des enceintes métalliques pour donner une impulsion d’énergie aux particules chargées. Le plasma – un état de la matière dans lequel certains atomes sont libérés de leurs électrons – pourrait permettre d'atteindre des énergies encore plus élevées sur des distances plus courtes.
La technique d'accélération d'AWAKE fait appel à un faisceau de protons provenant du Supersynchrotron à protons (SPS) du CERN pour générer des crêtes et des creux dans le champ électrique d’un plasma, et ceux-ci ont la capacité d’accélérer des particules telles que les électrons. Comme l’explique Edda Gschwendtner, responsable du projet AWAKE, ces « champs de sillage » peuvent être comparés aux vagues créées par un canot à moteur se déplaçant sur l’eau : « Le bateau – le faisceau de protons – crée des vagues, les fameux champs de sillage, derrière lui ; on injecte ensuite quelques surfeurs, en l’occurrence des électrons, qui surfent alors sur les vagues pour prendre de la vitesse. Plus l’amplitude des champs de sillage est élevée, plus l’énergie des électrons est élevée. »
Au cours de sa première période d'exploitation (2016-2018), AWAKE est devenue la première expérience au monde à démontrer que des électrons pouvaient être accélérés jusqu’à des énergies de plusieurs GeV dans un champ de sillage entraîné par des protons, et non plus par des électrons ou un laser. La première phase de sa deuxième exploitation, qui a débuté en 2021 et s'est achevée le 1er juin dernier, a montré qu’il était possible d’utiliser des paquets de protons pour entraîner et maintenir des champs de sillage de grande amplitude sur l’intégralité du milieu de plasma, de 10 mètres de long. Comme l'explique Edda Gschwendtner : « Lorsque le faisceau de protons pénètre dans le plasma, il commence à s'auto-moduler, c'est-à-dire qu'il produit de petits paquets qui entraînent par résonance de forts champs de sillage ».
L’équipe d’AWAKE veut maintenant montrer qu'il est possible de contrôler la qualité du faisceau d'électrons pendant son accélération à une énergie élevée et que ce processus peut être reproduit à une échelle différente. À cette fin, l’expérience AWAKE doit être mise à niveau, notamment par l'installation d'un nouveau système de faisceau d'électrons et d'une source de plasma supplémentaire. La première source de plasma servira d'auto-modulateur du faisceau de protons et la seconde accélérera des électrons injectés depuis une source extérieure dans les champs de sillage du plasma entraînés par des protons jusqu’à une énergie de 4 à 10 GeV sur une distance de 10 mètres.
Augmenter la taille d'AWAKE pour pouvoir apporter ces changements représente un défi, car l’expérience est située en amont d'une enceinte précédemment utilisée par l’expérience Neutrinos du CERN vers le Gran Sasso (CNGS). Dans l’installation CNGS, un faisceau de protons provenant du SPS était dirigé sur une cible en graphite, produisant ainsi un faisceau de neutrinos qui était envoyé ensuite vers le laboratoire du Gran Sasso en Italie.
Ce procédé a rendu la cible et son matériau de blindage hautement radioactifs ; il est donc nécessaire de démonter et de retirer ceux-ci en suivant des mesures de protection spécifiques. L’opération, complexe, est en cours en vue de faire de la place à l'expérience AWAKE agrandie ; un nouveau bâtiment destiné à accueillir et à traiter le matériel démonté de CNGS a déjà été construit.
Afin que la charge de travail pour les équipes soit mieux répartie, le processus de démontage et de retrait doit être en grande partie achevé avant le démarrage, en juillet 2026, du LS3 pour les autres expériences. La version améliorée d'AWAKE sera alors construite avant le début de l'exploitation avec protons du SPS, en 2029, année où commenceront les tests de la nouvelle installation. On aura fait alors un pas de plus vers la réalisation de l'objectif d’AWAKE : accélérer les particules à des énergies beaucoup plus élevées sur une distance beaucoup plus courte.