Deux projets d’amélioration d’ALICE, l’expérience spécialisée en physique des ions lourds du Grand collisionneur de hadrons (LHC), ont récemment été approuvés. Ils seront lancés durant le prochain long arrêt du LHC, prévu de 2026 à 2028. La première amélioration consiste à mettre à niveau les trois couches situées au cœur du système de trajectographie interne (ITS3), et la deuxième à ajouter un nouveau calorimètre à petits angles (FoCal), optimisé pour la détection de photons dans la région des petits angles du détecteur ALICE.
Les collisions à haute énergie d’ions lourds, par exemple de noyaux de plomb, produites au LHC servent à recréer le plasma quarks-gluons, le fluide le plus chaud et le plus dense jamais examiné en laboratoire. En plus d’étudier les propriétés du plasma quarks-gluons, le programme d’ALICE porte sur de nombreux sujets liés à l’interaction forte : il cherche par exemple à déterminer quelle est la structure des noyaux et quelles sont les interactions entre des particules instables, comme expliqué dans l’article « Dix ans d’exploration du plasma quarks–gluons ».
Système de trajectographie interne (ITS3)
Avec près de 13 milliards de pixels actifs au silicium répartis sur une surface de 10 m2, l’actuel système de trajectographie interne (ITS), conçu pour la présente période d’exploitation du LHC, est le plus grand détecteur à pixels jamais construit à ce jour. Reposant sur l’utilisation concluante de capteurs monolithiques à pixels actifs, son successeur, l’ITS3, portera ce concept au niveau supérieur.
« ALICE ressemble à un appareil photo à haute résolution, capable de saisir les interactions entre les particules dans les moindres détails. La résolution de l'ITS3 devrait être améliorée d'un facteur 2 par rapport à celle du détecteur actuel, expliquent Alex Kluge et Magnus Mager, responsables du projet ITS3. Cela améliorera considérablement les mesures des radiations thermiques émises par le plasma quarks-gluons et apportera des informations sur les interactions entre quarks charmés et quarks beauté lorsqu’ils se propagent à travers le plasma. »
Les capteurs d’ITS3 ont une épaisseur de 50 µm et peuvent atteindre jusqu’à 26 x 10 cm2. Ils sont constitués de capteurs individuels reliés entre eux grâce à une technique d’assemblage novatrice (stitching) pour former une seule grande structure. Ces capteurs peuvent désormais véritablement épouser la forme cylindrique du tube de faisceau. La première couche sera placée à seulement 2 mm du tube de faisceau et à 19 mm du point d’interaction. Elle pourra dès lors être refroidie avec de l’air et non plus avec de l’eau et disposera d’une structure de support beaucoup plus légère, ce qui réduira significativement la quantité de matériaux utilisés et, partant, leur effet sur la trajectoire des particules observées dans le détecteur.
Calorimètre à petits angles (FoCal)
Le détecteur FoCal est composé d’un calorimètre électromagnétique (FoCal-E) et d’un calorimètre hadronique (FoCal-H). Le FoCal-E est un calorimètre à haute granularité composé de 18 couches de capteurs au silicium, pas plus grands que1 x 1 cm2, et de deux couches spéciales supplémentaires comportant des pixels de 30 × 30 μm2. Le FoCal-H, quant à lui, est constitué de tubes capillaires en cuivre et de fibres scintillantes.
« En mesurant les photons inclusifs et leur corrélation avec les mésons neutres, ainsi que la production de jets et de charmoniums, le FoCal permet d’explorer systématiquement la chromodynamique quantique à petit x de Bjorken. Le FoCal augmente la portée d’ALICE, lui permettant ainsi d’explorer la structure partonique à petits x des nucléons et des noyaux », ajoute Constantin Loizides, responsable du projet FoCal auprès de la collaboration ALICE.
Les prototypes du FoCal nouvellement construits ont été testés à l’aide de faisceaux dans le complexe d’accélérateurs du CERN, au Synchrotron à protons et au Supersynchrotron à protons, et ont montré que leurs performances étaient conformes aux prévisions issues des simulations de détecteur.
Les projets ITS3 et FoCal ont franchi un cap important avec la finalisation de leurs rapports de conception technique, qui ont été validés en mars 2024 par les comités d’évaluation du CERN. L’ITS3 et le FoCal ont atteint à présent la phase de construction ; les détecteurs devraient être installés début 2028 afin d’être prêts à collecter des données en 2029.