Vous connaissez les poupées russes, ces figurines de taille décroissante que l'on imbrique les unes à l’intérieur des autres. MADMAX – non pas le film, mais une expérience située dans la zone Nord du SPS, la plus grande zone d'expériences du CERN – fait appel elle aussi à un procédé d'imbrication pour rechercher des axions, candidats à la matière noire.
L'expérience MADMAX (Magnetized Disk and Mirror Axion experiment) est constituée de multiples disques diélectriques et d'un miroir de focalisation appelé booster. À l'image de notre jeu de poupées russes, le booster est entouré d'enceintes, une interne et une externe. Entre les deux, le vide, qui permet de collecter des données à très basses températures. Enfin, le gigantesque aimant Morpurgo, la poupée qui enveloppe toutes les autres, fournit un champ magnétique indispensable pour le fonctionnement de l'expérience. L'aimant Morpurgo est le plus grand dipôle en forme de bobine fonctionnant à température ambiante dans le monde ; avec son champ magnétique de 1,6 tesla, il sert principalement à tester les sous-détecteurs de l'expérience ATLAS.
En février et mars 2024, les deux nouveaux prototypes de MADMAX ont commencé à collecter des données de physique à température ambiante, et, pour la première fois, à une température proche de celle de l'hélium liquide.
« Nous avons utilisé CB200 (Closed Booster 200), notre nouveau prototype fermé à disques de 200 mm, pour collecter des données de physique à température ambiante, et CB100 (Closed Booster 100), notre prototype fermé à disques de 100 mm, pour collecter des données à une température proche de celle de l'hélium liquide, soit environ 10 K (environ -263 °C). À cette température, le bruit de fond thermique est plus faible qu'à température ambiante, ce qui augmente considérablement la sensibilité aux axions », explique Pascal Pralavorio, physicien de la collaboration MADMAX.
Les données recueillies ont été examinées lors de la réunion de la collaboration MADMAX, qui s'est tenue au CERN en mars. Elles sont en cours d'analyse et la collaboration attend avec intérêt de pouvoir communiquer ses résultats de physique.
Au cours de la dernière décennie, plusieurs approches ont été tentées pour rechercher de manière expérimentale des axions, dans l’expérience CAST (CERN Axion Solar Telescope) par exemple. À ce jour, aucune expérience n'y est encore parvenue. La découverte d'axions aurait des répercussions importantes sur notre compréhension de la physique des particules et de la cosmologie. Tout d'abord, elle confirmerait l'existence d'une nouvelle particule prédite par les théoriciens il y a plus de 40 ans, ce qui validerait ce que nous savons sur les forces fondamentales de l'Univers. Ensuite, les axions étant considérés comme des candidats sérieux à la matière noire, leur découverte pourrait permettre de décrire cette substance insaisissable qui constitue une partie importante de l'Univers.
MADMAX est une collaboration relativement jeune puisqu'elle a débuté en 2017. Depuis 2020, le CERN met l'aimant Morpurgo à la disposition de l'expérience lorsque le faisceau SPS est à l’arrêt. De nombreux scientifiques du CERN travaillant dans différents domaines (cryogénie, aimants, convertisseurs de puissance, sécurité et opérations) participent à MADMAX. C'est l'une des rares expériences du CERN qui peut opérer sans contrainte de temps de faisceau, car elle n'a pas besoin d'un faisceau de particules provenant d'un accélérateur.
La collaboration MADMAX discute actuellement avec le Comité du SPS de la possibilité d'utiliser l'aimant Morpurgo pour un autre programme de prise de données pendant le troisième long arrêt (LS3) du complexe d'accélérateurs du CERN, qui aura lieu de 2026 à 2028.