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Un noyau atomique exotique apporte un éclairage sur le monde des quarks

Le CERN et le Laboratoire de physique basée sur des accélérateurs de l'Université de Jyväskylä (Finlande) ont uni leurs efforts pour étudier les effets de la force faible sur les quarks

The ISOLDE set-up used to study the exotic nucleus of aluminium. (Image: CERN)

Le dispositif ISOLDE utilisé pour étudier le noyau exotique d'aluminium (Image : CERN)

Des expériences au CERN et au Laboratoire de physique basée sur des accélérateurs de l'Université de Jyväskylä (Finlande) ont révélé que le rayon d'un noyau exotique d'aluminium, 26mAl, est beaucoup plus grand qu’on ne l’avait pensé. Ce résultat, décrit dans un article qui vient d'être publié dans Physical Review Letters, donne des indications sur les effets de la force faible sur les quarks (les particules élémentaires qui constituent les protons, les neutrons et d'autres particules composites).

Parmi les quatre forces fondamentales connues, à savoir la force électromagnétique, la force forte, la force faible et la gravité, la force faible peut, avec une certaine probabilité, changer la « saveur » d'un quark. Le Modèle standard de la physique des particules, qui décrit toutes les particules et leurs interactions entre elles, ne prédit pas la valeur de cette probabilité, mais, pour une saveur de quark donnée, prédit que la somme de toutes les probabilités possibles est exactement égale à 1. Par conséquent, cette somme est un moyen de tester le Modèle standard et de rechercher une nouvelle physique : si elle n'est pas égale à 1, cela pourrait révéler une nouvelle physique au-delà du Modèle standard.

Justement, la somme des probabilités concernant le quark up présente une tension apparente avec l'unité attendue (même si l'intensité de cette tension dépend des calculs théoriques sous-jacents). Cette somme recouvre les probabilités respectives de transformation du quark down, du quark étrange et du quark bottom en quark up.

La première de ces probabilités se manifeste dans la désintégration bêta d'un noyau atomique, au cours de laquelle un neutron (composé d'un quark up et de deux quarks down) se transforme en proton (composé de deux quarks up et d'un quark down), ou vice versa. Cependant, en raison de la structure complexe des noyaux atomiques qui subissent des désintégrations bêta, déterminer exactement cette probabilité n'est généralement pas possible. Les scientifiques se tournent donc vers un sous-ensemble de désintégrations bêta moins sensibles aux effets de la structure nucléaire pour déterminer la probabilité de cette transformation. Parmi les quantités nécessaires pour caractériser ces désintégrations bêta dites « super-permises », on trouve le rayon de charge du noyau en désintégration.

C'est là qu'intervient le nouveau résultat concernant le rayon du noyau 26mAl, qui subit une désintégration bêta super-permise. Ce résultat a été obtenu par la mesure de la réaction du noyau 26mAl à la lumière laser dans des expériences réalisées à l'installation ISOLDE au CERN ainsi qu'à l'installation IGISOL du Laboratoire de l'Université de Jyväskylä. La nouvelle mesure du rayon, qui est une moyenne pondérée des données obtenues par ISOLDE et IGISOL, a une valeur beaucoup plus grande que prédit, ce qui a pour effet d’atténuer cette tension apparente.

« Les rayons de charge d'autres noyaux qui subissent des désintégrations bêta super-permises ont été mesurés précédemment à ISOLDE et dans d'autres installations, et des travaux sont en cours pour déterminer le rayon du 54Co à IGISOL, explique Peter Plattner, physicien à ISOLDE et auteur principal de l'article. Mais 26mAl est un cas assez unique ; alors, que, entre tous les noyaux de ce type, c'est lui qui a fait l'objet des études les plus précises, son rayon est resté inconnu jusqu'à présent, et, en fait, ce rayon est beaucoup plus grand que la valeur prise pour hypothèse dans le calcul de la probabilité de transformation du quark down en quark up. »

« Les recherches d'une nouvelle physique au-delà du Modèle standard, et notamment celles qui s'appuient sur la probabilité d'un changement de saveur des quarks, sont souvent une affaire de haute précision, explique Andreas Juttner, théoricien au CERN. Ce résultat met en lumière l'importance d'examiner de près tous les résultats expérimentaux et théoriques de toutes les façons possibles. »

Les effets de la force faible sur les quarks sont depuis longtemps étudiés par la détermination de plusieurs probabilités de changement de saveur d'un quark, avec des contributions significatives d’expériences de physique des particules passées et présentes, dans le monde entier, y compris l'expérience LHCb auprès du Grand collisionneur de hadrons. Cependant, les expériences de physique nucléaire sur les désintégrations bêta super-permises sont actuellement le meilleur moyen de déterminer la probabilité de transformation d'un quark down en quark up, et il est probable qu'elles le resteront.