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Des nouvelles de Chamonix

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Mike Lamont is Director for Accelerators and Technology

Le tout premier atelier de Chamonix, consacré aux performances du LEP, remonte à 1991. Beaucoup de choses se sont passées depuis !

Pour la première fois depuis 2018, des participants venus d’horizons divers se sont retrouvés à Chamonix pour le traditionnel atelier LHC, qui se déroule sur quatre jours. Cet atelier technique est l'occasion de discuter, d'une manière ouverte et collaborative, des projets, des attentes et des défis pour les années à venir. L'une des sessions était consacrée à la gestion de l'énergie et à la durabilité ; en clôture, nous avons eu une table ronde sur les futurs collisionneurs. L'événement demande beaucoup de préparation et les sessions, intenses, se prolongent dans la soirée ; les discussions se poursuivent ensuite, parfois autour d’un café.

L’année 2022 a vu un alignement des planètes – injecteurs, luminosité, disponibilité, performance des systèmes et protection de la machine – au service d’un programme de physique riche et diversifié, aussi bien pour les protons que pour les ions, couvrant également la physique aux petits angles et l'étalonnage de la luminosité, sans oublier l'émergence d'une série de nouvelles expériences exploitant le potentiel du LHC pour la physique aux très petits angles. Certes, il y a eu quelques incidents, mais l’année s'est avérée fructueuse, et les performances des injecteurs et du LHC sont de bon augure pour la troisième période d'exploitation. Néanmoins, restent posées deux questions de nature stratégique.

D’une part, les quadripôles des triplets internes et les aimants correcteurs correspondants situés de part et d'autre des détecteurs ATLAS et CMS sont sérieusement impactés par les débris de luminosité provenant du point d'interaction. Les niveaux de rayonnement prévus pour la troisième période d'exploitation pourraient compromettre la performance de ces éléments. Le Groupe de travail sur les triplets du LHC a analysé l'impact des rayonnements sur la durée de vie des équipements dans les régions des triplets internes du LHC et a proposé un certain nombre de mesures d'atténuation, dont certaines seront déployées sans tarder de manière à limiter le plus possible la dose de rayonnement intégrée au niveau local. Des mesures supplémentaires et des activités d’appui sont à l'étude.

D'autre part, les nuages d'électrons sont problématiques dans le LHC : lorsque la machine fonctionne avec des paquets d'intensité élevée, la charge thermique supportée par les écrans de faisceau dans les dipôles principaux pousse le système cryogénique à ses limites. À la suite des longs arrêts, la situation semble se dégrader dans certains secteurs. Les effets de ces dégradations pourraient potentiellement limiter l'intensité pendant l'ère HL-LHC. La chimie de surface complexe qui est en jeu semble être comprise ; diverses mesures d'atténuation sont à l'étude.

En préparation de la quatrième période d'exploitation, une configuration de base de la machine a été définie, et, pour ce qui est des attentes en matière de performance, l'impact potentiel des nuages d'électrons a été pris en compte. Les améliorations prévues pour les principaux systèmes matériels, tels que le système d'alignement à distance, le système de protection de la machine, l'instrumentation de faisceau, les arrêts de faisceau, les cavités-crabe et les systèmes d'alimentation RF, progressent bien. En 2022, après une longue campagne d'entraînement, les dipôles principaux ont bien fonctionné à 6,8 TeV ; les obstacles à surmonter pour passer à 7 TeV en vue de la quatrième période d'exploitation ont été bien compris ; il reste à regarder de près le coût potentiel de ce passage.

Pour ce qui est des aimants du HL-LHC, un effort international a été réalisé, avec un avancement satisfaisant. La production des aimants pour la région d'interaction va bon train ; par ailleurs, la réalisation des prototypes des aimants en NbTi, de même que leur production, ont passé les phases critiques. Le prototype de dipôle d'insertion-recombinaison D2 à double ouverture de l'INFN a été intégré dans la masse froide au CERN et testé en position horizontale, tandis que le prototype D1 a été testé en position verticale au KEK et devrait arriver au CERN en mars 2023 pour le test final en position horizontale.

Des progrès notables ont également été réalisés en vue de relever les principaux défis posés par les quadripôles des triplets internes à champ élevé en Nb3Sn (quadripôles MQXF). Six des huit aimants MQXFA fabriqués aux États-Unis ont atteint les performances requises. Les premiers prototypes du quadripôle MQXFB produit par le CERN présentaient des limites de performance au-dessous de l'intensité nominale, mais un programme en trois phases a été mis en place pour le traitement des causes premières. Après le déploiement des deux premières phases du programme, le prototype final et le premier aimant de série ont tous deux atteint l'intensité visée.

L'atelier a également été l'occasion de se pencher sur l'énorme travail à accomplir pour préparer et exécuter le LS3. Pour la préparation, il faudra notamment produire et tester au bâtiment SM18 des éléments clés, et procéder, dans la chaîne de test des triplets internes, aux tests grandeur nature des aimants pour les régions d'interaction, et des systèmes associés. Outre les travaux pour le HL-LHC, le LS3 sera consacré à la mise en place de nouveaux systèmes majeurs de refroidissement par CO2 à ATLAS et CMS, ainsi qu’à l’exécution de la première phase d'un important programme de consolidation pour la zone Nord. La coordination globale du programme intégré sera l’un des défis des équipes, mais la planification détaillée du programme a déjà commencé.

La session consacrée à la durabilité a abordé divers thèmes liés à la gestion de l'énergie, à la réduction des émissions et à la durabilité dans le cadre des activités actuelles et futures du CERN. Ont été notamment évoqués des solutions de gestion de l'énergie, les possibilités de réduction des émissions de gaz fluorés et le développement d'accélérateurs durables. En outre, des discussions ont porté sur diverses options de redimensionnement, l'utilisation de l'hélium, ainsi que sur le suivi du récent atelier « Le CERN et l'environnement ». Ces sujets, pertinents à moyen et long termes, témoignent des efforts continus du CERN en matière de durabilité.

L'atelier s'est terminé par une intéressante séance de questions-réponses sur les options qui s'offrent à nous après le LHC.

Les six prochaines années vont bien nous occuper, car nous devons veiller à ce que l'ensemble du complexe propose un programme de physique complet et diversifié, tout en assurant l'avenir à l'horizon 2040.

Toutes les présentations sont consultables à l'adresse : https://indico.cern.ch/event/1224987/

Un résumé de l'atelier sera présenté dans l'amphithéâtre principal le 15 mars à 14 heures.