Alors que le LHC s’apprête à entamer une nouvelle saison de prise de données, des scientifiques et des ingénieurs du monde entier travaillent à développer de tout nouveaux aimants destinés au LHC à haute luminosité (HL-LHC), l’amélioration du LHC.
Il faudra en effet remplacer plus d’un kilomètre de la machine LHC pour cette amélioration. L’installation commencera en 2024 et concernera environ 100 aimants de 11 nouveaux types : quatre types d’aimants principaux (dipôles et quadripôles servant à incurver et focaliser le faisceau) et sept types d’aimants correcteurs.
Les nouveaux quadripôles principaux, qui seront placés dans les régions d’insertion, en amont et en aval des détecteurs ATLAS et CMS, utilisent une technologie-clé innovante qui permet d’atteindre des champs supérieurs à 10 teslas. Ils sont construits en niobium-étain, à partir d’une conception unique, grâce à laquelle la puissance de crête du champ magnétique peut être supérieure de 50 % à celle obtenue avec les dipôles actuels, et donc passer d’environ huit à environ 12 teslas. Ces aimants, qui remplaceront les quadripôles des triplets du LHC, assureront la compression des faisceaux avant les collisions. Ils contribueront à faire augmenter la luminosité intégrée du HL-LHC (c’est-à-dire le nombre total de collisions), jusqu’à la rendre dix fois supérieure à la valeur nominale initiale du LHC.
Les nouveaux quadripôles sont développés dans le cadre d’une collaboration entre le CERN et le projet LHC-AUP (LHC Accelerator Upgrade Project), auquel participent trois laboratoires des États-Unis. Deux types de ces nouveaux quadripôles, de longueurs différentes (4,5 mètres aux USA et 7,5 mètres au CERN), sont en cours de développement.
La phase de conception étant à présent terminée, les aimants principaux sont dans la phase de la fabrication de prototypes. Vu le coût élevé des matériaux composant les aimants, des tests sont réalisés sur des modèles plus courts afin d’évaluer la stabilité de la conception et de la structure mécanique. L’un des principaux problèmes avec le Nb3Sn est la gestion des contractions thermiques ; les matériaux qui composent l’aimant doivent en effet subir des changements de température extrêmes : ils sont chauffés à 650 °C pour la fabrication du supraconducteur, et ensuite refroidis à des températures cryogéniques, ce qui est nécessaire pour que les aimants puissent être supraconducteurs.
L’année passée, un modèle de quadripôle court (1,5 mètre de long) formé de deux bobines issues du programme LARP (LHC Accelerator Research Program) et deux bobines du CERN a été testé aux États-Unis, et a atteint un champ magnétique de crête de 13 T. Un autre modèle court, formé de trois bobines construites au CERN et une aux États-Unis, a été testé plus tard dans l’année, au CERN, afin de vérifier le caractère reproductible de cette performance. Il a atteint un champ maximal de 12,2 T, soit une valeur supérieure au champ magnétique nominal mais inférieure de quelques dixièmes de teslas à l’objectif fixé par la dernière performance. Un autre essai de cet assemblage sera réalisé dans la seconde partie de l’année. Un troisième modèle court des triplets qui seront placés en amont et en aval d’ATLAS et de CMS, le premier à être formé d’un ensemble homogène de bobines, sera prochainement testé au CERN. Il s’agira d’un test important pour valider plusieurs des caractéristiques de la conception de ce quadripôle.
En janvier 2017, une bobine complète de 4,5 mètres – une longueur record sur le plan mondial pour un aimant en Nb3Sn destiné à un accélérateur – a été testée au Laboratoire national de Brookhaven, aux États-Unis ; elle a atteint la valeur de champ nominale de 13,4 T.
Pendant ce temps, au CERN, la phase d’enroulement de bobines de 7,15 m de long a déjà commencé dans le hall d’assemblage des grands aimants. « Passer d’un à sept mètres n’est absolument pas une tâche de tout repos, et c’est l’une des grandes difficultés technologiques de ce projet, explique Ezio Todesco, physicien de la section Conception et technologie des aimants supraconducteurs au sein du groupe Aimants, cryostats et supraconducteurs, dans le département Technologie, qui dirige les travaux du projet lié aux aimants destinés aux régions d’insertion du HL-LHC. Entre la fin de cette année et la fin de l’année prochaine, nous testerons les premiers prototypes de longueur complète. Nous aurons alors la confirmation qu'ils fonctionnent comme prévu, ou nous verrons s’il est nécessaire de modifier la conception », poursuit-il.