Une visite du bâtiment 887, le plus grand hall du CERN, est toujours une expérience étonnante. Des centaines de blocs de béton s’alignent à perte de vue, encadrés par d’immenses ponts roulants. Entre deux blocs on aperçoit ici un morceau de détecteur à tester, là une expérience au long cours, là encore une ligne de faisceau qui s’est faufilée pour délivrer ses particules un peu plus loin. Bienvenue dans le royaume du Nord, où règne le Supersynchrotron à protons (SPS). L’accélérateur envoie des particules à quelque 60 expériences et zones pour les utilisateurs via six lignes de faisceaux, d’une longueur totale de 6 kilomètres.
Avec ses 55 mètres de large pour 330 mètres de long (!), le bâtiment 887 (également appelé EHN1, pour hall expérimental nord 1) est le plus grand du CERN. Mais la zone Nord est plus vaste encore : elle comprend la plateforme neutrinos abritée dans une récente extension du bâtiment 887, et plusieurs autres halls abritant les expériences libellées NA (pour « North Area »), dont NA58 (COMPASS), NA61 (SHINE), NA62 et NA64, et des zones de tests, essentielles pour les développements des futurs composants de détecteurs ou d’accélérateurs.
La plupart des équipements de la zone Nord datent de la mise en service du SPS, en 1976. Plusieurs améliorations sont donc au programme du deuxième long arrêt technique, même si l’ambitieux programme de consolidation initialement prévu devrait s’étaler sur une plus longue période. Au cours des deux dernières années, l'équipe chargée de l'étude NA-CONS a mené une analyse détaillée des différentes options de consolidation à moyen et long terme avec tous les groupes d'équipements et de services concernés.« Les travaux de consolidation pendant le LS2 se focalisent principalement sur la sécurité des installations », souligne Johannes Bernhard, du département Ingénierie, en charge de la liaison avec les expériences (groupe EN-EA). La distribution des gaz est ainsi en cours de rénovation, ce qui représente plusieurs centaines de mètres de tuyaux à changer. Le système de détection de radiations est également rénové. Dans le hall 887, l’aménagement va par ailleurs être modifié pour agrandir la zone d’essai de nouveaux détecteurs. Les expériences du LHC, en particulier, ont besoin d’infrastructures pour tester les nouveaux sous-détecteurs qu’elles mettront en service pour le LHC à haute luminosité.
Aux confins du site de Prévessin, le hall 888 (EHN2) abrite l’expérience COMPASS. Deux ponts roulants flambant neufs y ont été installés. Comme dans toute la zone Nord, le système de distribution des gaz a été rénové. L’expérience COMPASS, qui étudie la structure des nucléons, réalise plusieurs aménagements. Après le LS2, le détecteur recevra des muons d’une énergie de 160 GeV (à la place des hadrons de 190 GeV lors de la précédente période d’exploitation). De nouveaux sous-détecteurs, des scintillateurs et des détecteurs à micropistes au silicium, ainsi qu’un nouveau système d’acquisition vont être installés.
Des travaux sont également en cours pour l’expérience NA62, installée dans le bâtiment 918 (ECN3), qui étudie la désintégration des kaons rares. À l’entrée du bâtiment, des systèmes d’accès flambant neufs accueillent les utilisateurs et visiteurs. La ligne de faisceau de l’expérience va être modifiée pour mesurer encore plus précisément et efficacement les désintégrations des kaons et réduire le bruit de fond. Enfin, une nouvelle zone d’expérimentation est en préparation pour NA64, qui mène des recherches sur la matière noire. « La collaboration avec les groupes de services et d’équipements du CERN a été primordiale pour mener à bien les études et les travaux du LS2 et nous allons redémarrer l’exploitation dans des conditions bien meilleures », souligne Yacine Kadi, au nom de l'équipe chargée de l'étude NA-CONS.
Au-delà du LS2, la zone expérimentale Nord se tourne vers l’avenir avec le programme de Physique au-delà des collisionneurs : plusieurs projets d’expériences envisagent d’utiliser des lignes du SPS, comme BDF par exemple. Des études d’implémentation sont en cours de finalisation pour créer une zone de tests sur la ligne de muons du bâtiment EHN2. Plusieurs projets d’expériences, comme NA64mu, MuonE et AMBER (qui pourrait succéder à COMPASS) pourraient être testés sur cette ligne.